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Pourquoi et comment éviter les comportements déviants dans l’organisation ?


conflit d'intérêts

Pourquoi et comment éviter les comportements déviants dans l’organisation ?

« C’est le moment d’agir », affirmait la ministre de l’emploi, du développement, de la main d’œuvre et du travail, après avoir déposé un projet de loi à la chambre des communes portant sur les mesures à prendre pour forcer les employeurs à agir lorsqu’ils reçoivent des plaintes de harcèlement.

Une démarche à saluer compte tenu de la succession de révélations faites sur des cas d’harcèlement et qui ont secoué, principalement, les milieux culturel et artistique depuis l’affaire Weinstein aux USA. Le « #mee too » a lancé une onde de choc mondiale qui a ébranlé plus d’un, notamment ici au Québec.

Les affaires Salvail et Rozon rappellent celle de DSK et montrent que face à des accusations de harcèlement sexuel les pertes peuvent être colossales. Une carrière politique, artistique, managériale… peut partir en miettes à cause des comportements déviants de quelques personnes, entrainant dans leurs chutes leurs organisations. Voilà pourquoi il faut faire preuve d’une grande vigilance et mettre en place les mécanismes nécessaires pour éviter ce genre de comportements préjudiciables tant pour les victimes du harcèlement, que pour l’organisation. L’exemple Rozon est assez édifiant. L’empire « Juste pour rire » est bradé aujourd’hui, surtout après la décision d’un groupe d’humoriste de lancer un autre festival.

Un problème comportementale qui donne naissance à un problème de rentabilité voire de survie de l’entreprise. En effet, le point commun qui lie toutes ces histoires est l’impact financier négatif dû au ternissement de la réputation de ces fondateurs-propriétaires, des personnes de talents dans leur champ de compétence, ayant des comportements inappropriés ou déviants. C’est toute l’image de l’entreprise qui se trouve altérée dans ce genre de situations et par voie de conséquence sa valeur actionnariale. La complicité, le silence, le laisser-faire autant de soupçons qui planent sur l’entreprise et ses membres et qui nuisent encore plus à sa réputation et impactent négativement sa valeur financière, donc sa rentabilité.

Était-il possible de prévenir et d’empêcher ces comportements déviants ? La réponse est incontestablement OUI. Il est clair qu’il ne sera plus possible pour les administrateurs et les dirigeants de mettre sous le tapis la gestion des comportements déviants, dorénavant elle fera partie de leurs devoirs et responsabilités.

Quand on analyse la composition des conseils d’administration de ces organisations, nous constatons que le fondateur-propriétaire est le principal dirigeant et le président du conseil ou le seul administrateur de son organisation comme dans le cas de Salvail & Co. Et quand, il y a d’autres administrateurs, ils ne sont pas indépendants . Nous sommes forcés d’admettre que le jugement des administrateurs a été influencé par leurs relations professionnelles ou personnelles avec le principal dirigeant et que leurs décisions n’ont pas été dans l’intérêt des organisations.

Il est clair que les comportements inappropriés ou déviants peuvent se retrouver chez des gens à grand talent et à succès. Ces personnes bâtissent de belles organisations à qui on prédit un bel avenir, mais elles ont un niveau de risque lié à la réputation trop élevé, ce qui les rend très sensibles aux scandales.

Un bon moyen de prévenir est de créer un conseil d’administration composé d’administrateurs indépendants ayant une diversité de compétences, incluant des professionnels de la santé spécialisés dans le comportement déviant. La gestion des comportements inappropriés ou déviants relèverait du conseil d’administration qui aurait la responsabilité de poser les actions nécessaires afin de protéger les intérêts de l’organisation, mais aussi d’intervenir en amont, pour la forme de prévention auprès des personnes « malades à grands talents ». Rappelons que selon l’Ordre des administrateurs agréés du Québec : « L’administrateur doit développer et mettre à jour des politiques, des directives et des processus afin de prévenir ou corriger, le cas échéant, toute situation de harcèlement psychologique ou physique dans son organisation ».

Afin de favoriser une gestion juste de la problématique des comportements déviants dans le milieu du travail, nous recommandons au conseil d’administration de veiller à la mise en place d’un système de communication confidentiel pour le traitement des plaintes. C’est souvent le silence et la peur qui accompagnent ce genre d’affaires qui amènent le harceleur à se sentir invincible voire dans son droit d’agir ainsi. Rompre avec ceci est le premier pas vers une prévention efficace de tout type d’harcèlement. En plus du système de communication, il faut surtout désigner les personnes ressources capables de recevoir les plaintes, les traiter et décider des sanctions à appliquer. Ces décisions doivent être diffusées au sein de l’organisation pour dissuader toute personne qui serait tentée d’abuser de sa position dans l’organisation.

Grâce à toutes ces mesures, il serait possible de prévenir les comportements déviants et d’éviter ou d’atténuer les conséquences financières désastreuses qu’ils entraînent sur les organisations, et encore plus importantes sur les nombreuses personnes impliquées directement et indirectement (clients, employés, fournisseurs, bailleurs de fonds et autres parties prenantes).

Chiraz Ghozzi
PhD en Administration des affaires